Montreuil - Makwacha, Makwacha - Montreuil. Va et vient entre les continents pour comprendre la façon dont font sens des fresques sur des murs, pour celles qui les peignent, et pour d'autres spectateurs, parfois radicalement lointains.

Comme repères et entrées dans cette recherche : mondialisation, technologies de l'information et expérience esthétique...




19 juil. 2014

Retrouvailles

J'ai revu Jean-Pierre et Fernande, de passage à Paris pour l'exposition Makwacha à la Maison des Métallos (Paris, avril 2014), ils m'avaient donné quelques nouvelles du village. Je leur avais dit : j'espère revenir cet été...  
 
 
Le chauffeur de l'espace (9 passagers, une roue de secours, deux ballots, une bande de tissus) me dépose au milieu du village – je vois au loin le grand arbre près de la maison de Jean-Pierre, celui qui qui marque la fin du village - c'est souvent là où les gens arrêtent leur véhicule. Je marche le long de la route. « Manon, comment tu vas ? » « Manon, comment tu vas ? « Bonjour Mademoiselle Manon » les voix fluettes de part et d'autres m'interpellent. Estomaquée, je lève le bras, souris, réponds au hasard, tache de remettre la main sur les formules de présentation...je salue intérieurement la mémoire physionomique de ces enfants tout en fustigeant la mienne si flottante...puis réalise : une jeune blanche, sortant comme le diable d'une boîte d'un taxi collectif pour traverser le village de Makwacha, à la même époque que l'année dernière, ce n'est pas tant une question de mémoire visuelle que de logique...
 
Les adultes m'observent, les enfants s'écrient, Louise me fixe de loin et se lève soudain, ouvrant grand les bras « Memo Memo », je hâte le pas, Jean-Pierre apparaît sur le bord de la route, nous nous retrouvons tous les trois à l'entrée de la parcelle de Louise, Louise me prend dans ses bras, je lui rends son étreinte, avant de serrer chaleureusement la main de Jean-Pierre.
 
Nous nous installons sous l'arbre qui jouxte la case de Louise, on me tend le fauteuil plastique bleu,  « Mwaïseni », « hummm...Ya...mo...koi, nan Ya moi né » mes hésitations les font rire. « Tu as oublié »...
 
Louise reprend l'épluchage de ses patates douces par terre, Maman Nelly continue de piler, Jean-Pierre s'installe sur le petit banc de pierre. Ils ne sont pas contents au sujet d'une maison familiale vendue à la Ruashi et vente pour laquelle ils n'ont rien reçu... Arrive Dame chouchou qui porte la petite Louise aux grands yeux blancs... on rit...
 
Jean-Pierre reprend le récit du voyage en France. La venue de Jean-Michel (AAD) pour préparer le projet : quelques personnes du village qui viendraient en France pour l'exposition « Makwacha » à la Maison des Métallos. Jean-Pierre - bien sûr - et deux ou trois femmes. On prend la carte de Louise. Pourtant Sammy (Picha) refuse la venue de Louise : pas deux personnes de la même famille. Aimé retourne sa carte à Louise. C'est Chancelle, Fernande, Maman Madeleine, Jean-Pierre qui partent pour Kinshasa. « Alors Louise était fâchée  - on ne comprend pas que non le même argument ne tienne pas pour tout le monde pareil » : Chancelle est la fille de Fernande. Mais Chancelle non plus ne peut partir en France – quelque chose dans les formalités ne va pas. Aimé n'a pas bien fait les choses et Chancelle doit retourner au village. Maintenant Louise et Fernande ne se parlent plus. Jean-Pierre est morose. Louise épluche les patates, un temps stoïque...puis se déverse,  temps réglementaire de la parole... elle m'expose, me faire voir la chose : on lui a fait outrage.
 
Un temps passe avant que je ne suive Jean-Pierre chez Fernande... On me fait fête... On parle... Fernande amène un album / livre. Lors de leur passage à Paris, Jean-Michel a pris des photos... A leur départ, il leur a remis au nom d'AAD cet album, retraçant leurs pérégrinations et rencontres parisiennes (avec le commissaire Hervé Di Rosa, avec l'ambassadeur congolais, avec Gervanne et Matthias Leridon, dirigeants d'AAD)... Splendeurs passées qui ravivent un peu Jean-Pierre... Fernande : « Qu'est-ce que tu as ramené pour nous ? » « Rien. Pourquoi ? Est-ce que j'aurais du ramener quelque chose ? » «  ... Ah Menon, Menon, ici on a rien... » la conversation s'étiole... amertume et frustration... Fernande, comme une dernière provocation « nous sommes de faux artistes »... je n'ai rien à répondre...
 
nous nous levons. J'aimerais aller dire bonjour à Maman Joséphine. Fernande et Jean Pierre se concertent, ils ne voient pas de qui il s'agit... je les emmène dans le village et tache de retrouver sa case... le crépi des cases craquèle, les décorations de l'année passée s'estompent...elle n'est pas là... On repart chez Louise, Jean-Pierre me dit : « Mais attendez, là, il y a deux mamans qui aimeraient bien que vous les prenniez en photos, elles sont en train de faire le crépi... » on passe les voir. Une jeune femme passe son éponge imbibée sur le sol... je regarde, placide...
 
de retour chez Louise, on m'invite à attendre, avant de repartir, que les patates douces soient prêtes...      

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