Montreuil - Makwacha, Makwacha - Montreuil. Va et vient entre les continents pour comprendre la façon dont font sens des fresques sur des murs, pour celles qui les peignent, et pour d'autres spectateurs, parfois radicalement lointains.

Comme repères et entrées dans cette recherche : mondialisation, technologies de l'information et expérience esthétique...




8 juil. 2013

Makwacha Part Two : Welcome back

Rien que pour tes beaux yeux...

Surprise que suscite mon retour. Un jour de retard + conviction que beaucoup d'autres tâches m'appelaient ailleurs (quitter Lubumbashi pour rejoindre Makwacha!) : diable, je suis revenue.

Ma logeuse me tend les bras et, heureuse, me montre sa case, aux dessins colorés.
"M. tu as peint ta case!
Oui, on a beaucoup travaillé, hein Mémo...
J'imagine, oui, c'est chouette, tu as peint des fleurs et une...chèvre c'est ça? et un lapin qui court. c'est drôle..."


Voilà, comme il me l'avait dit, JP a sensibilisé les habitants du village, et oui, de fait, de nombreuses cases sont peintes...beaucoup d'animaux (éléphants, dauphins, lions,etc.) et de fleurs. Curieux cet engouement pour ce style de peinture (par rapport à ce que j'ai vu pour les autres années), couleur vives, dessins appliqués (ombrage au charbon noir) et lettres encadrées. ... absente une semaine et éclosent ainsi de parts et d'autres du village des peintures sensiblement similaires... où pour chacune on m'appelle et on guette ma réaction en levant un pouce...
je lève le pouce et passe mon chemin. Parfois, je demande : "c'est vous qui avez fait ça", les femmes hochent la tête, mettent leurs mains sur la poitrine. "oui, oui, c'est moi". "Et pourquoi un éléphant?" "c'est dans la tête, c'est l'imagination...".

Je suis tombée sur eux le deuxième jour, trois jeunes hommes appuyant consciencieusement sur les parois d'une case les tiges de paille imprégnée d'argile colorée. Jeff, Eric et Ingénieur. Jeff inscrivant toujours son initiale sur chaque dessin réalisé "pour montrer que c'est moi qui l'ai fait". Jeunes lushois, venus à Makwacha pour travailler la braise (couper et bruler le bois pour en vendre le charbon) ; devant l'urgence de la situation - il faut des fresques au cas où je revienne - ils ont troqués les braises pour la peinture (ils aiment dessiner, les femmes aiment leurs peintures). Jeff me dit "nous nan nan on fait ça gratos", M. quelques jours plus tard assure qu'elle les a dédommagés d'un petit quelque chose. 


Artistes-peintres de Makwacha...


Jeff, Eric et Ingénieur n'ont pas l'exclusivité de la peinture... d'autant plus qu'on se demande peut-être ce que ça peut rapporter si on peint - ça a tout de même l'air de m'intéresser. Donc ici et là d'autres peintures (photos à l'appui dès lors que je disposerai de la bonne connexion).
... 
Nombreuses conversations, causeries, qui entrent en écho les unes par rapport aux autres - comprendre et refaire l'historique un peu de cette activité à Makwacha. Quelques personnalités phares, instillant des responsabilités - préserver la culture (quelle "culture" dans ce pêle-mêle de Far-West et dans cette élémentaire nécessité ?!) et prendre soin de la maison - des projets arrêtés, suspendus, du ressentiment, de l'amertume qui s'avive avec le Lutuku. La danse des ONG, des fondations, le rêve d'un développement touristique sur un fond d'impuissance - qui donc peut aider au développement de Makwacha? On promet beaucoup et les gens s'enrichissent, tout le monde, sauf les habitants de Makwacha...

Le dernier jour, avant que je ne parte, Jean-Pierre va faire faire le Kushiripa de sa case, couleur café, parce qu'il faut que la case du chef soit exceptionnelle, il faut qu'on la remarque. Meta, jeune fille d'une douzaine d'années vient prêter main forte (monnayant un petit rien) à Maman Chrystèle.
Kushiripa : boue granuleuse qui s'étale, rayons du soleil qui tapent, éclaboussure et petits riens d'insectes, des nids de guêpes à déloger à l'aide de la tong, équilibre sur les sceaux, la paille du toit qui vous gratte.     
ça semble se craqueler aussitôt qu'étalé. Vraiment, ça tiendra?
Jean-Pierre m'attendra pour la seconde phase, pour les dessins... je reviendrai, I swear.


Débrouille et business, économies de traverse

Voyant un homme venir déposer son charbon à vélo pour être emporté vers Lubumbashi, je demande à Eugénie (24 ans, bientôt mariée): "c'est combien le sac?" Un sac se vend 1500 fc à Makwacha, 1700 à Lubumbashi. les petits camions qui passent par les villages chercher les braises en transportent parfois jusqu'à une petite cinquantaine - camion-champignon ou le pied ploie sous le chapeau.
M. m'a dit : 500 fc le verre de Lutuku, 2000 la bouteille, 5000 le jerricane. 
Un gros choux, ça peut faire jusqu'à 900 fc. 
Didier, qui travaille à la douane de Kasumbalesa et s'arrête pour me ramener à Lubumbashi, enchanté de trouver une française perdue dans la brousse : "les camions qui passent la douane, les cathodes de cuivre qu'ils ont, il y a pour 300 000 $, chaque camion qui passe avec le cuivre, c'est 300 000 $. Il y en a je sais pas 300, non allez 100, qui passent chaque jour par la douane."
Sur les routes, il y a parfois un péage. 300 $ à l'entrée/sortie de Lubumbashi pour les trucks, 11 000 fc pour les voitures...
Prise en taxi par Monsieur Claude et son acolyte et un autre voyageur. "C'est quoi ce que vous transportez?... On va pas nous arrêter si nous sommes autant à l'avant? ...Vous venez de la Zambie?" - non pas des salves de questions, je les distille, équilibre mais ils rient et dévient, tss tss trop curieuse. A l'arrivée, Monsieur Claude me ramène après avoir déchargé 300 sacs de ciment. Il se fait une bonne marge en allant parfois récupérer ainsi quelques sacs de ciment côté Zambie sans les déclarer. Taxes excessives à la douane sur le sac de ciment, faut savoir s'y retrouver, un peu de déclaré, un peu de taxi, un peu de sacs passés en douce...  

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