Avant de partir, j’avais re-discuté avec les deux ou trois
personnes s’étant rendues sur place, à la va-vite consulté ou re-consulté quelques
sites et guides – il a suffi d’une quinzaine de minutes à l’arrivée pour que les
doctes informations soient balayées : place au sensible !
here is the point : en combien de jours une personne
trouve- t-elle ses repères ?
Faible relationnel, terrain inconnu, mœurs a priori étrangères…comment fais-tu
alors, jeune fille ? Neuf mois que tu cherches à partir, tu y es ! Cris, gestes, chaleur, mouvement… apprend,
apprend à interpréter.
Tu marches dans la rue, soleil d’aplomb, le trottoir devient
un trou, un amas de cailloux, la femme à quelques mètres de tes pieds te
regarde, « des bananes madame », devant elle une corbeille avec
un écriteau « 300 », tu fais le calcul, t’apprêtes à répondre, un
gamin vient pour cirer tes pompes, ne sait que faire devant tes chaussures de
montagne, un homme te demande si tu es belge, tu décides de traverser, les
voitures passent, tu emboîtes le pas d’un homme, tu as faim, tu n’as que des
dollars (ne jamais les plier, ne jamais
les froisser, ne jamais les montrer ) en l’absence de poche, ils sont
dans ton sac, tu gênes le passage, beaucoup d’homme te regardent, tu te
demandes si ta robe est transparente et si elle est trop courte, tu regardes à
la volée les robes des autres femmes, le soleil te fait mal aux yeux, tu sors
tes lunettes de soleil, « Laetitia la star », plus fort « Laetitia la star », tu te retournes, souris à l’homme qui
astique les jantes de la voiture et t’observe gouailleur, tu sens l’odeur de
grillades, ton regard s’arrête sur le fût renversé sur lequel cuisent des
paquets verts, le vendeur a vu ton regard, « tu en veux madame », tu
ne sais pas si tu peux manger ça…
« Muzungu, muzungu » appelée de-ci de- là, hommes,
femmes et enfants cherchent à vendre, je cherche à négocier, les hommes cherchent
à séduire, je cherche à rencontrer, les contacts donnent d’autres contacts,
je cherche également à sortir du réseau…l’impression de marcher en crabe.
J’ai tourné le dos (pour l’instant !) à la Guest House
et au dortoir de l’Université pour leur préférer le « Home de la Jeune
Fille » de Sœur Marcelline, situé en plein centre ville (un bloc de quatre
ou cinq rues) pour m’éviter (entre autres) de prendre le taxi en permanence. Je
loge seule, dans une grande bâtisse, située à l’entrée d’une grande parcelle
ceinte d’un haut mur garni de barbelés, dont le portail est surveillé par deux
gardiens – à l’autre bout de la parcelle habitent sœur Angèle et les filles du
pensionnat. Lorsqu’il y a une coupure de courant, cela fait un peu drôle…
6 jours après l’arrivée :
Je suis capable de me faire une idée de la ville (les points
cardinaux : la Poste, la cathédrale, Unilu, la Halle de l’étoile, la
Gécamine…) et de m’y déplacer en transport collectif (les « cinq cinq »
= 5 personnes à 5OO fc congolais, ça fait une voiture à 2500, possible sur des
tronçons de routes identifiés – il faut savoir reconnaître le taxi et surtout anticiper
son axe – en fait, je suis montée dedans deux fois, une fois par hasard, l’autre
fois accompagnée. Et les taxis individuels ou presque – parfois on les partage…).
Il n’existe pas de plan de la ville et pour donner une adresse, il faut donner comme la dérivée de la destination finale (rues adjacentes, bâtiment
connu, etc.).
J’ai plusieurs numéros de personnes dans ma carte SIM
congolaise (quelques expats - répertoire qui facilement pourrait s’étendre - et
une dizaine de contacts congolais, rencontrés plus ou moins par hasard).
Mon savoir livresque sur le Katanga, sur ses mouvements de
populations etc. correspond désormais à une expérience, à des goûts et des
paroles – la cartographie mentale s’affermit,
les pièces du puzzle se rassemblent, il est temps pour moi d’aller voir
Makwacha.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire